Au-delà des nues, Paraciel de Nicolas Tourte

Vaporeux, cotonneux, ouaté, molletonné, absorbant, aérien, doux, le champ lexical du coton pourrait être le même que celui du nuage rien donc d’étonnant à ce que Paraciel, œuvre de Nicolas Tourte soit installée dans la salle de la machine à vapeur au sein de l’exposition « Coton, dissonances artistiques ». Le nuage est par essence instable et insubstanciable, pourtant au XXIème siècle beaucoup d’artistes ont voulu le capturer, le mettre en boîte, reproduisant même ses conditions d’apparition. Face à ces œuvres où le nuage est sujet, force est de constater qu’il continue d’exercer la même fascination que chez les artistes de la Renaissance ou du XIXème siècle. La place du nuage dans l’histoire de l’art occidental est complexe car sa fonction varie selon les époques, c’est pourquoi nul ne saurait dire quelle est la fonction des nuages de Nicolas Tourte ; les interprétations sont libres. Dans Paraciel, des nuages en mouvement sont projetés sur un parapluie posé à même le sol, le tissu du parapluie sert d’écran et de toile. Un parapluie protège de la pluie, un paratonnerre du tonnerre, de quoi protège Paraciel ? Est-ce pour éviter que le ciel nous tombe sur la tête que
Nicolas Tourte a construit un Paraciel ? La chute du ciel, réfère à la cosmogonie celtique où la voûte céleste est soutenue par des colonnes – ainsi qu’aux mythologies nordiques notamment au Ragnarök germanique. Le nuage est plastique, il varie et n’est jamais le même, symbole de douceur cotonneux et ouaté, il peut aussi être inquiétant, suspect, angoissant, ses contours pouvant se dissoudre jusqu’à totale évaporation c’est-à-dire
disparition. N’est-ce pas alors notre finitude que Nicolas Tourte interroge par/avec ce Paraciel ?
Dimension eschatologique chez les Celtes, dimension spirituelle et sacrée pour les
hommes de la Renaissance, quelle dimension cette représentation revêt-elle pour nous aujourd’hui ? Dans une de ses installations, Homo Disparitus, il fallait lever la tête vers un oculus de la Renaissance pour voir apparaître, par un trou dans un plafond effondré, le ciel et ses nuages. Dans Paraciel, le parapluie est échoué au sol, il nous faut baisser la tête, à l’ère de l’anthropocène, la chute est-elle déjà là ? Peut-être mais Paraciel nous
protège, il y a de l’espoir, c’est là sa poésie.

Céline Berchiche






Céline Berchiche
Docteur en histoire de l’art




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